C’est la nuit, il fait froid, alors costumes en superposition. Jason et Médée ont été prince et princesse il y a 10 ans. Dans cette « déclination » de la force de Médée, un rôle indispensable est assigné à ses partenaires — la nourrice et Jason —, toujours engagés dans un double travail : celui de jouer son propre personnage et celui de faire de soutien ou de contrepoint, plus ou moins énergique, aux vagues de désespoir ou de rage de la protagoniste. » Qui, homme ou femme, n’a jamais entendu dire cette phrase au mot près dans sa longue ou brève vie amoureuse ? Mais, enfin, ce n’est pas dans ce choix de Jason de l’intégration — qui n’est même pas la trahison d’un idéal —, qu’on doit dénicher le nœud primordial de cette pièce d’Anouilh. Dans une des critiques sur cette pièce des Rhinocéros à l’Aleph d’Ivry, j’ai lu : « Derrière ses crimes et sa monstruosité, cette Médée nous apparaît, sans pudeur, dans sa plus pure identité : celle d’une femme malheureuse. — Allons à l’étranger, aux colonies. Les gens ne veulent retenir que ce qui les manage. Changer ), Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Cette règle cherche à entretenir l'illusion d'une coïncidence entre la durée de la fiction et le temps de la représentation : La tragédie de Médée se déroule bien en 24h, nous assistons à une concentration d'action qui se déroulent chronologiquement jusqu'à leurs fin … ( Déconnexion / L’idée que le sens ultime de cette Médée d’Anouilh, humaine et monstrueuse à la fois, ainsi magistralement jouée par les comédiens du Rhinocéros, pouvait se résumer en une « grande déchirure », incarnée par Médée même, entraînant à la fois une constellation de « déchirures de la vie » dont les miennes aussi allaient faire partie. Elle fait cela de façon tout à fait particulière, se dérobant à son rôle, vivant sur scène à côté de son cliché, en dialoguant avec le masque de Médée avec une voix fraiche, argentine, moderne : la voix d’une jeune femme de nos jours qui nous raconte l’histoire douloureuse de Médée. Elle n’avait pas, en principe, ni les caractères ni l’âge des Médées « classiques » ou d’une Maria Callas. J’ai choisi une jeune actrice pour incarner Médée : Elodie Navarre a 28 ans. Merci de tout mon cœur au théâtre Aleph, à Jean Gabriel Vidal, Ariane Komorn, Elena Diego Marina et Raphaël Molina pour ce spectacle intelligent où l’enthousiasme ne se sépare jamais d’une rigueur de style tout à fait cohérente avec ce chef d’œuvre de Jean Anouilh. Mais, heureusement, j’ajoute, la psychanalyse existe, car il arrive beaucoup de fois, trop de fois, que des mères (ou des pères), sans les tuer physiquement anéantissent tout de même ses propres enfants, rien que pour frapper l’ancien partenaire qui a la hardiesse de « se refaire une vie ». Médée est l’unique « tragédie lyrique » composée par Marc-Antoine Charpentier (1643-1704).Musicien largement méconnu, il fut longtemps éclipsé par le rayonnement de Jean-Baptiste Lully (1632-1687). Posted by biscarrosse2012 in commentaires, Grandes et petites déchirures d’une Médée contemporaine, Médée. En même temps, elle se révèle une femme extrêmement commune, tout à fait incapable de surmonter sa jalousie violente et l’échec de son mariage. — Partout où on ira ça sentira le pourri. Tout ce qui se passe dans l’âme et le corps de Médée — et aussi dans le corps et l’âme de son parfait « doublon », la très performante comédienne Ariane Komorn — s’installe en un éclair dans le public en créant un effet tout à fait insolite vis-à-vis de la plupart des pièces théâtrales auxquelles on a l’habitude d’assister. Le crime de Médée est inexcusable. Décor / Jean-François Servigne Deux. Ce(tte) œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 3.0 non transposé. « J’ai fait ça pour toi ! Puisque il faut que tout brûle sur le passage de Médée. Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation. Je pensais avec toi, on doit toujours être et de luttes et de tout permis”, Jean Anouilh. Combien de temps vous reste-t-il ? Merci pour cette belle rétrospective ces images, théâtre, cinéma et peinture. Médée se saurait sauvée si elle avait pu dire « Bonne pêche et bonne atmosphère ! Femme révoltée qui trahit son père, tua son frère pour l'amour de Jason et la conquête de la Toison d'or. Distribution Télécharger Médée PDF Gratuit Jean Anouilh - Médée, terrible Médée ! Changer ), Vous commentez à l’aide de votre compte Google. complètera cette distribution et m’assistera sur cette création en gérant particulièrement les deux enfants qui seront sur scène avec nous à chaque représentation. Déjà abonné, Ici, la roulotte a explosé, tandis que ses débris épars remplissent le plateau en le transformant en une sorte de caverne. — Tu l’aimes, toi, notre vie ? Je reviens, maintenant, à ma première impression, à cette sensation physique, suscitée par le combat acharné entre le blanc et le noir — le blanc de la peau et des vêtements de Médée, le noir de la scène et du costume de Jason — qui est aussi le combat entre une certaine « pureté » ou « naïveté » de Médée, considérée comme positive, au fond, et la « saleté » du contexte qui l’entoure, reflet tangible de la soumission au pouvoir et au compromis. Bruno Cremer et Anouilh forment un couple, Anouilh est comme un petit-frère pour Cremer. Pélias (demi-frère d’Éson) se rend coupable d’usurpation du trône. Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 3.0 non transposé, Liste des poèmes de Giovanni Merloni, groupés par Mots-Clés, Liste des publications du Portrait Inconscient groupés par mots-clés, Destinataire inconnue – Tranches de survie n° 1, La cure du silence (Extrait de la Ronde du 6 avril 2020), Août 1976, Rome (via Calandrelli) – La contribution de Joseph Frish à la Ronde du 6 avril 2020, La poésie n’a pas de nuances pour les amours perdus (Déchirures n° 2), Je vais attendre, seul, qu’une vie nouvelle éclose ! L’amour dont Anouilh écrit admirablement, dont Médée et Jason parlent, n’admet pas les exagérations ni les divinisations. Alors costume de luxe. Une soif de mort presque inextinguible semble d’ailleurs accompagner, comme une nécessité absolue, tous les passages cruciaux où son amour est menacé. J’ai aimé ton monde noir, ton audace, ta révolte, ta connivence avec l’horreur et la mort, ta rage de tout détruire. Mais, ce qui m’a encore plus touché ce sont les suggestions qui ont jailli de ma mémoire « après » le spectacle, venant, j’en suis sûr, de l’attention prêtée au texte d’Anouilh et aussi de la connaissance des nombreuses Médées que l’histoire du théâtre et du cinéma nous laisse en héritage. Issu d'un milieu très modeste, fils d'un tailleur et d'une violoniste, il se passionne très tôt pour le théâtre. Je m’asphyxie, tu saisis ? » On croyait tout savoir sur les tragédies classiques… » et ces textes anciens revisités de nos jours nous ouvrent de nouvelles portes d’interprétation et comme vous le dites si bien » ouvrent de nouveaux horizons ». Celui-ci est d’ailleurs le thème dominant de la tragédie d’Euripide, hantée sur le plan individuel, celui de Médée, par le souci de trouver un bouc émissaire sinon une justification à des actions terribles et sanglantes — qui vont, en principe, moins en direction de l’amour que d’une possession arbitraire et absolue — et, sur le plan général et social, par le souci de faire évoluer une idée de démocratie et de justice de moins en moins archaïque et soumise au pouvoir des rois ou des Dieux. Ils sont poursuivis de toutes parts pour les crimes qu’ils ont commis. « — Pourquoi qu’on part pas pour Toulon ? Mise en scène de Jean-Gabriel Vidal. Outre les revendications de salaires, le personnel évoque des défauts de fonctionnement de certaines instances de représentation et la difficulté d'obtenir, désormais, des aménagements d'horaires pour les salariés souhaitant en bénéficier. » Tout comme Freud, Anouilh veut dénicher dans les mythes les questions fondatrices des rapports humains. Voilà ce qu'on dit de moi. Autour des personnages, la nuit noire pour pouvoir mieux faire disparaître l’espace justement et pouvoir recentrer l’action de certaines scènes dans des points précis comme on zoome au cinéma. Cette double personnalité, maîtrisée de façon poétique par le génie de Pasolini et le charme inquiétant de Maria Callas, sont toujours au rendez-vous lorsqu’on doit ressusciter une nouvelle Médée. Une force extraordinaire soutient Médée-Ariane Komorn, d’abord en couple avec la nourrice, Elena Diego Marina, ensuite dans son rapport unique et exclusif avec Jason, Jean Gabriel Vidal. ( Déconnexion / Deux mois, c’est beaucoup, même pour un spectacle qui vient de terminer ses répliques, autour duquel maintenant n’agissent plus les mécanismes de l’actualité. « Nous vivions tous les deux ensemble. INTRODUCTION DU COMMENTAIRE. Je m’asphyxie. kdmace • 13 Décembre 2020 • Commentaire de texte • 981 Mots (4 Pages) • 203 Vues. D’abord, en choisissant la Médée d’Anouilh, où l’action devient toujours parole, où la parole est surtout un instrument d’analyse, de réflexion, de mesure. Crois-tu que c’est pour recommencer ? Jason et Médée ont été prince et princesse il y a 10 ans. Ce rythme cinématographique, rapide et toujours encadré dans une succession d’actions précises qui donnent au spectateur la possibilité de « voir » la pièce et d’y « lire », en même temps, un message parallèle renvoyant à la contemporanéité, c’est une très remarquable qualité de la mise en scène de Jean-Gabriel Vidal. Jason est fils d’Éson, roi d’Iolcos. La pièce, qui obtient un triomphe dès sa première représentation, sera adaptée au cinéma en 1964, puis reprise en 1971 à la Comédie-Française. Avec mon engagement pour mon exposition de peinture à l’Espace Mompezat de Paris (du 6 au 19 octobre dernier), une petite, inquiétante déchirure physique, arrivée en cette fin d’été 2012, ne cessait de hanter mon quotidien, en provoquant des réflexions et suggestions en chaîne se mêlant à mes lectures et aux déchirures de l’actualité, elles aussi assez douloureuses pour moi. Et, lorsque l’étalage du pouvoir de Créon fait prévaloir ses lois, il faut se rappeler de l’identité unique de cette femme et de son passé tout à fait héroïque. Pendant ce temps d’arrêt, une musique composée par Frédéric Norel pour cette création, toujours la même, qui s’enrichira d’un instrument à chaque épisode. Tes mains obstinées chercheraient malgré toi leur place sur ta femme… Et tu auras beau en prendre, à la fin, qui me rassembleront, des Médées neuves dans ton lit de vieillard, quand la vraie Médée ne sera plus, quelque part, qu’un vieux sac de peau plein d’os, méconnaissable, il suffira d’une imperceptible épaisseur sur une hanche, d’un muscle plus court ou plus long, pour que tes mains de jeune homme, au bout de tes vieux bras, se souviennent encore et s’étonnent de ne pas la retrouver. » (La pointe de l’iceberg n. 19), Raffaele Merloni, mon fils, a cinquante ans, « Il n’est au pouvoir de personne… de réduire un artiste au silence… » : douze bouleversantes nouvelles de Valère Staraselski, Life’s Hardships (contribution de Marie-Noëlle Bertrand à la Ronde du 15 octobre 2019), Follow le portrait inconscient on WordPress.com. Le spectateur romain viens assister a une sorte de messe civile quand il arrive au théâtre. J’ai cru avec toi qu’il fallait toujours prendre et se battre et que tout était permis… » Après avoir redonné ses lettres de noblesse à la comédie, Corneille s'engage dans la tragédie avec la création de Médée. Jean Anouilh, Médée Commentaire de texte: Jean Anouilh, Médée. Première publication 28 octobre 2012 Dernière modification 30 décembre 2012, CE BLOG EST SOUS LICENCE CREATIVE COMMONS. Derrière son allure de jeune fille fraîche elle a, je crois, la rage nécessaire pour incarner ce personnage. En Médée il ne faut pas considérer l’amour comme un thème unique et solitaire, à l’origine de tout ce qui se passe dans cette banlieue de Corinthe, où, au contraire, de monstres beaucoup plus redoutables s’affrontent dans d’invisibles coulisses noires. change de mains aussi si tu veux encore aimer. Jason conclut alors un marché avec Pélias : il doit conquérir la Toison d’or, possession du roi de Colchide Ætés, en échange de la restitution du trône paternel. Recherche parmi 248 000+ dissertations. Mais, jusqu’à hier, je n’arrivais pas à me consacrer à cela. Musique / Frédéric Norel — Si tu veux, le résultat est le même. Costumes / Christiane Chollat — Tu aimes pas notre vie ? Quant à la jeune Ariane Komorn, elle aurait pu bien jouer, avec son physique dépourvu d’excentricité, aussi bien le rôle d’Irina — une des Trois sœurs de Tchekhov —, que celui de Clarisse — dans Mais ne te promène donc pas toute nue de Feydeau. écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. En fait, la personnalité complexe de Médée, avec ses caractères absolus et relatifs à la fois, se prête à l’exploitation de deux plans narratifs : d’un côté, les passions violentes et extrêmes, où l’amour devient destructif et autodestructif jusqu’à la mort ; de l’autre côté, les sentiments positifs, où l’amour triomphe sur la mort. Mais, à bien y réfléchir, les motivations de ses tueries ne sont pas toujours les mêmes. Cela veut peut-être souligner que la précarité des populations marginalisées au temps de la première Médée d’Anouilh (1946) prend maintenant, de nos temps, des proportions beaucoup plus redoutables et proches de notre même vie. Lorsque vice versa elle pousse Jason à tuer son jeune amant, elle lui demande une preuve d’amour et, en même temps elle prétend qu’il l’aide à retrouver une passion qui est en train de s’affaiblir, sinon de disparaître. Comme le richissime Sardanapale elle ne voit que le suicide et, comme le dernier grand roi d’Assyrie, elle considère la mort de ses fils comme corollaire de la sienne. Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter: Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Comme un cérémonial. — T’en es sûr ? Pourtant Jean-Gabriel Vidal et ses amis de la compagnie du Rhinocéros ont su très bien s’en sortir. Mais cela correspond aussi au choix d’une double narration, individuelle et sociale. J’ai besoin de changer d’atmosphère, et moi l’atmosphère c’est toi. Dans ce combat, où les jeux sont faits dès le départ, un décalage tout à fait particulier s’installe entre les émotions qui se succèdent dans l’action des personnages et le contexte, qui ne deviendra jamais « familier » et acceptable, qui restera au contraire toujours « désagréable ». Donc, si l’individualisme aveugle de Médée ne se soucie pas du tout des problématiques de la « polis », le choix de Jason aussi rentre surtout dans une recherche de bien-être personnel. Ils n’ont plus de moyens pour acheter qui que ce soit. » J’ai aimé le crime et l’aventure avec toi. Car il ne faut pas oublier que Médée, qui se prend toujours, idéalement, pour la petite reine qu’elle était avant de laisser sa Colchide, vit maintenant dans un bidonville tout à fait malheureux. Recevez chaque semaine l'actualité de la scène, (ou lecture, mise en espace, travail d'atelier), Un spectacle (ou lecture, mise en espace, travail d'atelier). Médée Jean Anouilh ... Un soir de 1928, émerveillé par la représentation de Siegfried de Jean Giraudoux, il décide de se consacrer à l'écriture théâtrale. – On dirait que dans cette pièce on « exploite la force » dans toutes les facettes possibles, en partant de la force « naturelle », centrifuge, d’une rébellion violente et sans bornes, pour aboutir à la force intime, où quelques bribes de réflexion et d’autocontrôle commencent à s’afficher. Alors ? Revisitant le mythe antique de la magicienne infanticide, Anouilh dépeint une Médée passionnée, qui défend une vision radicale du monde et de l’amour. Bonne pêche et bonne atmosphère ! Cette représentation de Médée, telle qu’on peut la lire dans la littérature psychiatrique et psychanalytique, s’indexe dans une certaine mesure sur les textes d’Euripide et de Sénèque, ainsi que dans les versions postérieures du mythe comme celle d’Anouilh. On n’arrête pas de réfléchir aux grandes ressources et contradictions du genre humain, aux terribles conflits entre brutalité et raison, entre barbarie et civilisation. J’aurais voulu m’y exprimer tout de suite après, détournant ainsi le risque de rater quelques sensations ou observations liées au moment spécifique de la représentation. Ce que fait aussi le M. Edmond de Louis Jouvet, lorsqu’il dit : « — …J’en ai assez, tu saisis ? Un amour qui peut provoquer bien sûr une force irrésistible et vaincre même la peur et l’horreur de la mort. La Petite Vermillon) Création de la pièce : 1946 Le mythe de Médée est un des plus terribles, et un des plus profonds qu'ait engendrés l'imagination. Même si, en fin de compte, au moment de la mort d’Anita, Garibaldi n’était qu’un roi sans patrie en fuite, comme Jason lors de son arrivée à Corinthe. Une création de la Compagnie Rhinocéros d'après l’œuvre de Jean Anouilh, vue au théâtre Aleph, Ivry-sur-Seine. Une scène du quotidien. Je suis abonné(e) Alors, ne ferme pas les yeux, Jason, ne te laisse pas une seconde aller. Le peu d’attachement que Médée porte à ses enfant, son amour pour Jason qui dépasse largement son amour maternel me font croire qu’elle ne les assume pas, et qu’elle n’était pas encore prête pour une maternité. Mise en scène de Jean-Gabriel Vidal. Impossible de partager les articles de votre blog par e-mail. Quiconque, à sa place, aurait douté de cet étalement d’amour à outrance, que Médée affichait en le mêlant toujours, on doit supposer, aux chantages psychologiques dans lesquels elle rappelait leur complicité.