Il est clair que l’examen de la légitimité de la désobéissance civile fait partie de la réflexion sur la nature et les limites du gouvernement par la majorité, et que cet examen constitue rien moins qu’un test crucial pour toute théorie du fondement moral de la démocratie. Considérant les actes de désobéissance civile qui ont ponctué la lutte pour les droits civiques et contre la guerre au Viêt Nam dans les États-Unis des années 1960, John Rawls les conçoit comme « un des moyens de stabiliser un système constitutionnel, même si c’est par définition un moyen illégal. La désobéissance indirecte s’imposera parfois au titre de la nécessité ou à celui de la morale politiques. C’est pour lui une exigence absolument prioritaire pour comprendre et justifier les institutions démocratiques. Rawls fait remarquer qu’il a précisé cette distinction surtout en vue de mieux élucider sa théorie constitutionnelle de la désobéissance civile et de justifier son rôle, sa nécessité pour un fonctionnement le plus « juste » possible d’une démocratie constitutionnelle régissant le vivre-ensemble de citoyens libres et égaux. celle de Rawls et Habermas – de la désobéissance civile a donné lieu à de sérieuses critiques. La désobéissance civile doit être, selon lui, « le dernier moyen à la fois de faire entendre plus puissamment et de conférer une influence politico-journalistique aux arguments oppositionnels » (Habermas et Rawls, 1997 : 410-412). C’est cette orientation de fond qui fait comprendre pourquoi la partie centrale du livre, intitulée « Institutions » (p.231-434), s’attache d’abord (ch.4) à décrire, avec les justifications nécessaires, les institutions requises pour assurer au citoyen l’exercice des « libertés de base »: la liberté de conscience égale pour tous avec ses corollaires, liberté morale, liberté de pensée et de croyance, de pratique religieuse, exigences de la tolérance, le maintien de l’ordre public et de la sécurité, etc. Le principe de pro- portionnalité offrira le plus souvent un appui et des repères pour parvenir à ce que John Rawls aime à nommer « une position bien pesée ». Il n’est jamais de bonne méthode d’ouvrir en son milieu un livre – un vrai livre, systématiquement construit – en ignorant tout ce qui précède. Je suis le premier à préconiser l’obéissance aux lois justes. Seulement voilà : même quand ces conditions sont présentes, il n’y a pas de garantie que la législation promulguée soit juste. Né de la postérité du New Deal et enraciné dans la tradition profondément américaine des luttes pour les civil rights, le traité de John Rawls reflète la contestation étudiante des années 70 et le désarroi moral de la conscience américaine. « La désobéissance civile est le dernier recours pour remédier à une situation, après que l’utilisation de moyens légaux se soient révélée inefficace. En agissant ainsi, on s’adresse au sens de la justice de la majorité de la communauté. Ou encore l’une des définitions les plus largement acceptées de la L’apparition de la désobéissance civile date du geste de Henri D. Thoreau, écrivain américain décidant, dans les années 1850, de ne plus payer ses impôts pour signifier qu’il retirait son adhésion à l’État américain qui tolérait l’esclavagisme et menait une guerre à ses yeux injuste contre le Mexique. Dans les pratiques effectives, la même séquence d’actions comportera souvent des éléments de l’une et de l’autre — ne serait-ce que parce qu’elles réclament l’une et l’autre, on l’a dit, un engagement de la conscience. La désobéissance est dite « civile », d'abord, parce qu'elle est le fait de « citoyens » : ce n'est pas une rupture de citoyenneté, ni un acte insurrectionnel. On ne saurait trop insister sur cette finalité premièrement politique d’un gros ouvrage qui traite longuement de questions qui relèvent souvent du domaine économique. La loi est enfreinte, mais la fidélité à la loi est exprimée par la nature publique et non-violente de l’acte. En agissant ainsi, on s’adresse au sens de la justice de la majorité de la communauté et on déclare que, selon son opinion mûrement réfléchie, les principes de la coopération sociale entre des êtres libres et égaux ne sont pas actuellement respectés. Mais si la majorité [de l’opinion publique] s’est montrée aveugle ou apathique, on est en droit de supposer que de nouvelles tentatives seront veines et la désobéissance civile est alors légitime. La désobéissance civile telle que Rawls la définit peut être directe ou indirecte. Cette dernière peut être définie comme « le fait de ne pas obéir à une injonction légale plus ou moins directe ou à un ordre administratif. Cette qualité essentielle découle d’abord immé- diatement de son double caractère politique et public. Sur sa droite comme sur sa gauche, l'interprétation libérale – i.e. Dans cet article, nous faisons état d’un décalage entre la théorie de la désobéissance civile telle qu’elle fut formulée par John Rawls et les utilisations plus actuelles de ce terme. La définition proposée – proche de celle que donne John Rawls dans Théorie de la justice (1971) – appelle quelques précisions. C’est une responsabilité morale aussi bien que légale. Elle est un discours public, lancé sur le forum public. », « La désobéissance civile est le dernier recours pour remédier à une situation, après que l’utilisation de moyens légaux se soient révélée inefficace. Sa définition n’implique pas que l’acte de désobéissance enfreigne la même loi que celle contre laquelle on proteste. Elle ne s’appuie pas d’abord sur des motivations de morale personnelle ou de doctrine religieuse, même si celles-ci peuvent jouer un rôle de soutien dans la conscience des désobéisseurs. La désobéissance civile est définie comme « un acte public, non violent, décidé en conscience, mais politique, contraire à la loi et accompli le plus souvent pour amener un changement dans la loi ou bien dans la politique du gouvernement. la désobéissance civile dans le cadre d’une théorie de la justice, c’est-à-dire comme une forme d’engagement social, il faut selon Rawls d’abord pouvoir penser la jus-tice hors du cadre utilitariste sinon on ne comprendrait pas pourquoi les individus La désobéissance civile est définie comme « un acte public, non violent, décidé en conscience, mais politique, contraire à la loi et accompli le plus souvent pour amener un changement dans la loi ou bien dans la politique du gouvernement. Résistance civile non violente. Cette expression de la fidélité à la loi au sein même de la désobéissance est peut-être la caractéristique la plus décisive de la théorie constitutionnelle de Rawls. Il faut aborder la désobéissance civile en l’approchant successivement selon deux questions qui lui donneront son éclairage propre et les fondements de sa justification. Seulement voilà : même quand ces conditions sont présentes, il n’y a pas de garantie que la législation promulguée soit juste. 2. était jus- tifiée comme constituant le meilleur moyen disponible pour assurer une législation à la fois juste et efficace. Cependant, la ligne de partage entre ces … Éthiques de la désobéissance, de Thoreau à Rawls et Arendt Daniele Lorenzini C’est au sein d’un contexte intellectuel et politique très précis, celui de la démocratie américaine de la moitié du XIXe siècle et du courant philosophique du « transcendantalisme », que l’expression « désobéissance civile » a été forgée, recevant aussi sa première justification théorique. Sa définition n’im- plique pas que l’acte de désobéissance enfreigne la même loi que celle contre laquelle on proteste. Anglais Source d’origine: Institut de recherche sur la résolution non-violente des conflits (www.irnc.org)Diaporamas regroupés sous le thème de la désobéissance civile au service du droit.Vous n’avez qu’à cliquer sur le titre des diaporamas pour accéder à leur version intégrale. C’est pourquoi, au risque de décevoir l’attente d’un lecteur pressé d’en venir tout de suite au thème propre de la désobéissance civile, je me propose d’expliciter brièvement quelques-uns des présupposés et des attendus qui conditionnent une compréhension juste de la théorie rawlsienne de la désobéissance civile et qui en permettent surtout une solide justification. Rawls theory of civil disobedience is deeply routed in the concept of justice and assumes that in a reasonably just democratic regime citizens regulated their political affairs to a public conception of justice (Rawls, 1971). 9Dans le cinquième et dernier point de sa définition, Rawls affirme que la désobéissance civile se situe « dans les limites du respect de la loi » et se distinguerait à cet égard de formes plus radicales et révolutionnaires de protestation et de résistance, porteuses quant à elles d’une remise en question du système politique, social et économique en tant que tel. intitulé « Devoir et obligation ». Il formule avec une clarté et une force exceptionnelles ce que l’on a souvent considéré comme une charte de la social- démocratie moderne. Il convient de rappeler, une fois encore, que la théorie rawlsienne s’applique prioritairement au cas d’« une société presque juste, bien ordonnée dans sa plus gran- de partie, mais où se produisent néanmoins des violations graves de la justice » ; elle développera donc « le rôle et la justification de la désobéissance civile dans le cadre d’une autorité démocratique légitimement établie » (p. 403). Elle est faite pour attirer l’attention, pour admonester, pour avertir, pour convaincre, elle ne doit pas en elle-même constituer une menace. I. Justifier des institutions fondées sur la liberté et l’égalité démocratiques. La loi est enfreinte, mais la fidélité à la loi est exprimée par la nature publique et non-violente de l’acte »} (p.407). Cependant, cette impression de retrouver chez Rawls une définition de la désobéissance civile tout à fait proche de celle des auteurs français nous avertit de ceci : le service que Rawls peut nous rendre ici n’est pas d’abord celui d’une définition. ANV c/o Mundo-M, 47 avenue Pasteur, 93100 Montreuil, France Non seulement la définir, mais la justifier, mettre en évidence sa légitimité, son importance, mieux : sa nécessité dans la stabilisation d’un régime démocratique et constitutionnel accepté comme « presque juste ». Le lecteur ne devra jamais perdre de vue l’objectif bien cadré de John Rawls : définir avec le maximum de rigueur un concept de désobéissance civile pratiquée dans un régime constitutionnel considéré comme globalement légitime — quelle que puisse être dans tel ou tel domai- ne l’injustice éventuellement manifeste d’une loi ou d’une pratique administrative. Elle est faite pour attirer l’attention, pour admonester, pour avertir, pour convaincre, elle ne doit pas en elle-même constituer une menace. Elle est non-violente pour une deuxième raison : puisqu’elle exprime des convictions réfléchies issues des profondeurs de la conscience, et justifiées par un sens de la justice largement partagé, elle exclut par principe la force brutale, la coercition, l’usage de procédures violentes blessant autrui dans sa vie, sa dignité, ses intérêts légitimes. À ce premier objectif, il lui a fallu immédiatement en adjoindre un second : compléter cette analyse des libertés de base par une justification de la répartition « inégale » des biens économiques et sociaux premiers, qui repose sur une conception réfléchie de l’égalité démocratique. Définir les devoirs politiques du citoyen. La désobéissance civile est non-violente [car] {« elle exprime la désobéissance à la loi dans le cadre de la fidélité à la loi, bien qu’elle se situe à sa limite extérieure. Le lecteur ne devra jamais perdre de vue l’objectif bien cadré de John Rawls : définir avec le maximum de rigueur un concept de désobéissance civile pratiquée dans un régime constitutionnel considéré comme globalement légitime — quelle que puisse être dans tel ou tel domai- ne l’injustice éventuellement manifeste d’une loi ou d’une pratique administrative. La désobéissance civile est généralement définie comme un refus collectif, public, non violent et politique de la loi (Rawls, 1987, p. 405 ; Pedretti, 2001, p. 35 à 67). Thoreau, philosophe naturaliste américain, a écrit un livre qui pose les bases de ce concept, La Désobéissance Civile, qui est aujourdhui en accès libre. Même s’il est déjà un peu ancien (1971), le gros traité de John Rawls, Théorie de la justice, demeure considéré dans le monde anglo-saxon comme l’un des textes les plus importants de philosophie contemporaine. Il est manifeste que l’objection de conscience n’est pas en elle-même une forme d’appel public au sens de la justice des citoyens. C’est cette orientation de fond qui fait comprendre pourquoi la partie centrale du livre, intitulée « Institutions » (pp. Par ailleurs, il peut exister des raisons sérieuses pour ne pas enfreindre directement une loi ou une politique jugée injuste À la place, on posera un acte public d’une autre nature : on pourra par exemple désobéir aux règlements de la circulation ou du droit de passage. Toute atteinte à la liberté civile d’autrui risque d’obscurcir sa nature profondément civile : elle se doit de faire preuve de civilité. par Jérôme Dupont • 2013 Les moyens D’action à L’image De sa (ses) finaLité(s) Il fut un temps où nous attendions patiemment la révolution, telle une cassure radicale dans le cours de l’Histoire. Pour tenter de convaincre autour de lui, l’objecteur de conscience sera souvent amené, porté par la force de sa conviction, à se regrouper avec d’autres pour devenir un désobéisseur. La désobéissance civile telle que Rawls la définit peut être directe ou indirecte. C’est ce manque de garantie qui ouvre au citoyen responsable l’éventualité de recourir à l’une ou l’autre des actions qui se déploient depuis la protestation légale ou la non-coopération jusqu’à la résistance, la dissidence, l’insurrection, et au sein desquelles Rawls choisit de développer longuement une théorie de la désobéissance civile. La désobéissance civile peut, tout d'abord, être définie comme un acte public, non violent, décidé en conscience, mais politique, contraire à la loi et accompli le plus souvent pour amener à un changement dans la loi ou bien dans la politique du gouvernement. Dossier : On ne saurait trop insister sur cette finalité premièrement poli- tique d’un gros ouvrage qui traite longuement de ques- tions qui relèvent souvent du domaine économique. Non seulement la définir, mais la justifier, mettre en évidence sa légitimité, son importance, mieux : sa nécessité dans la stabilisation d’un régime démocratique et constitutionnel accepté comme « presque juste ». Article paru dans le numéro 142 d’Alternatives non-violentes. Rappelons donc que le premier objectif de John Rawls dans cet ouvrage est, en proposant une solide théorie de la justice comprise comme équité, de fournir une analyse convaincante des droits et libertés de base des citoyens en tant que personnes libres et égales. This thought informs his views about when civil disobedience is justified. La désobéissance civile s’avère un exemple paradigmatique du respect de la conscience personnelle. Cette qualité essentielle découle d’abord immédiatement de son double caractère politique et public. * Pour Gandhi, King et le philosophe John Rawls, la désobéissance civile n’existe, à proprement parler, qu’en relation directe avec la non-violence. On doit à la « pensée C’est ce double objectif qui l’a conduit à formuler ses deux célèbres principes : Le premier énonce le droit égal aux libertés de base (2) ; Le second concerne l’organisation « juste » des inégalités sociales et économiques (3). John Rawls fait remarquer qu’il a précisé cette distinction surtout en vue de mieux élucider sa théorie constitution- nelle de la désobéissance civile et de justifier son rôle, sa nécessité pour un fonctionnement le plus « juste » possible d’une démocratie constitutionnelle régissant le vivre-ensemble de citoyens libres et égaux. La désobéissance civile sera donc un acte public : pas seulement parce qu’elle fait appel à des principes publics, mais parce qu’il lui est essentiel de se manifester publiquement. Is Ecosabotage Civil Disobedience? Mots clés : philosophie politique, désobéissance civile, Bedau, Thoreau, Gandhi, Luther King, Rawls. [...] Quand notre refus peut être dissimulé, il faut parler, non pas d’objection de conscience, mais de déro- bade pour des raisons de conscience (pp. C’est un refus, car nous recevons un ordre et, étant donné la nature de la situation, les autorités savent si nous obéissons ou non. Que l’une de ces conditions soit absente, et c’est le premier principe de la justice qui est bafoué. Même s’il est déjà un peu ancien (1971), le traité de John Rawls Théorie de la justice demeure considéré dans le monde anglo-saxon comme l’un des textes les plus importants de philosophie contemporaine. La désobéissance civile comme dernier recours. La désobéissance civile est le refus assumé et public de se soumettre à une loi, un règlement, une organisation ou un pouvoir jugé inique par ceux qui le contestent, tout en faisant de ce refus une arme de combat pacifique. Il ne s’agira pas ici d’entrer dans les débats philosophiques autour de la notion. Le terme fut créé par l'américain Henry David Thoreau dans son essai La Désobéissance civile, publié en 1849, à la suite de son refus de payer une taxe destinée à financer la guerre contre le Mexique. Bien entendu, la distinction proposée entre les deux attitudes n’est nullement une séparation tranchée. », Extrait d’une étude inédite de Choé Di Cintio sur John Rawls. Le livre est orienté par une préoccupation majeure : comprendre et justifier les principes qui commandent le fonctionnement le moins conflictuel possible d’une démocratie constitutionnelle régissant le vivre-ensemble de citoyens libres et égaux. Mots clefs : La désobéissance civile, cest le refus de se soumettre à une loi jugée injuste, aussi légale soit-elle. 6 A. Refalo, op. La première concerne le jugement du citoyen responsable confronté à l’obéissance à des lois ou des mesures présentant une certaine part d’injustice. Il est remarquable — et pour nous instructif — qu’il consacre de longues pages à la justification morale et politique de la désobéissance civile. Elle demande à être comprise comme repo- sant sur la conception commune de la justice qui sous- tend l’ordre politique ; cette conception qui est partagée par une large part des citoyens dans le sentiment public (plus ou moins explicite) qu’elle permet seule l’exercice des libertés fondamentales égales pour tous. Sur sa droite comme sur sa gauche, l'interprétation libérale – i.e. Selon Rawls, « la désobéissance civile peut être définie comme un acte public, non violent, décidé en conscience, mais politique, contraire à la loi et accompli le plus souvent pour amener un changement dans la loi ou bien dans la politique du gouvernement » (Théorie de la justice, trad. Or nous pouvons constater, dans notre pays, que plusieurs de nos concitoyens pratiquent la désobéissance civile sans faire le choix explicite de la non-violence. Elle est un discours public, lancé sur le forum public. La seconde question nous rapproche encore de notre thème. Nous la retrouvons au point suivant. 1) Théorie de la justice est paru aux États-Unis en 1971 et a été traduit en français par Catherine Audard en 1987 aux Éditions du Seuil, 2) La formulation la plus générale de ce premier principe est celle-ci : « Chaque personne doit avoir un droit égal au système total le plus étendu de libertés de base égales pour tous, qui soit compatible avec le même système de libertés pour tous (p. 287 et 341). celle de Rawls et Habermas – de la désobéissance civile a donné lieu à de sérieuses critiques. ; il s’intitule « Devoir et obligation ». Il est clair que l’examen de la légitimité de la désobéissance civile fait partie de la réflexion sur la nature et les limites du gouvernement par la majorité, et que cet examen constitue rien moins qu’un test crucial pour toute théorie du fondement moral de la démocratie. Si la désobéissa… Si John Rawls ne parle de la désobéissance civile qu’après 400 pages d’élucidations patientes et d’approfondissements méthodiques, ce n’est sans doute pas sans dessein précis. Rawls établit qu’une certaine forme de gou- vernement par la majorité, évidemment assortie de toute une batterie de conditions relatives au respect de procé- dures, garantissant les droits de la minorité, etc. 2° La désobéissance civile sera donc un acte public : pas seulement parce qu’elle fait appel à des principes publics, mais parce qu’il lui est essentiel de se manifester publiquement. C’est logique : après les principes de la justice appliqués aux institutions, il s’impose d’étudier pourquoi et com- ment ces mêmes principes de justice commandent les devoirs et obligations des individus, et à titre principal, le sens et le contenu des devoirs politiques des citoyens dans le cadre d’une démocratie constitutionnelle. C’est pourquoi elle peut être une démarche strictement individuelle. La notion de désobéissance civile a pour la première fois été invoquée par l’auteur américain Henri David Thoreau dans son essai Civil Disobedience, publié en 1849, dans lequel il revendique le droit pour le contestataire, de refuser une loi que sa conscience trouve injuste. Le livre est orienté par une préoccupation majeure : comprendre et justifier les principes qui commandent le fonctionnement le moins conflictuel possible d’une démocratie constitutionnelle régissant le vivre-ensemble de citoyens libres et égaux. Elle est non-violente pour une troisième raison : « Elle exprime la désobéissance à la loi dans le cadre de la fidélité à la loi, bien qu’elle se situe à sa limite extérieure. Par ailleurs, il peut exister des raisons sérieuses pour ne pas enfreindre directement une loi ou une politique jugée injuste. La réflexion s’attache ensuite (ch. Une vérification s’impose. John Rawls, Théorie de la justice Sur la désobéissance civile La désobéissance civile, l'un des principes de l'obligation et du devoir naturel s'applique dans un état de démocratie juste et "légitimement établi". Théorie de la non-violence | C’est pourquoi elle peut être une démarche stricte- ment individuelle. 231-434), s’attache d’abord (ch. Sans prétendre résumer ici une argumentation diversifiée et nuancée, disons qu’il n’est pas raisonnable de nier qu’il existe un devoir d’obéir à des mesures présentant une certaine part d’injustice — ou du moins de ne pas s’y opposer par des moyens illégaux — tant qu’elles ne dépassent pas un « certain degré » d’injustice. Auteur de la fiche : Bernard QUELQUEJEU, Professeur d’éthique philosophique à L’institut catholique de Paris. Le troisième objectif d'une théorie de la désobéissance civile consiste à en expliquer le rôle à l'intérieur d'un système constitutionnel et à rendre compte de sa relation avec un régime démocratique. Rawls précise, pour justifier ce point, qu'on parle habituellement de désobéissance civile dès qu'on a affaire à « une forme quelconque de désobéissance à la loi pour des raisons de conscience, à condition toutefois qu'elle ne soit pas cachée et qu'elle n'implique pas l'usage de la force » (l. 6-8). (3) : Le second principe est : « Les inégalités économiques et sociales doivent être telles qu’elles soient : a) au plus grand bénéfice des plus désavantagés, dans la limite d’un juste principe d’épargne et b) attachées à des fonctions et des positions ouvertes à tous, conformément au principe de la juste [fair] égalité des chances » (p.341). C’est à la lumière de deux règles, « juste égalité des chances » et « principe de différence » (privilégiant les plus défavorisés) que sont examinées les redoutables questions des diverses allocations sociales, de la stabilisation de l’économie de marché, des transferts sociaux, d’une juste [fair] répartition des divers impôts, charges et taxes, etc. Pierre-Guillaume Paris. 3° La désobéissance civile est donc un acte non-violent. Nous la retrouvons au point suivant. Cette dis- tinction ménage la possibilité de contester l’accusation devant les tribunaux si cela s’avère utile. Il n'y a pas d'unanimité sur la définition de la désobéissance civile. 5° La désobéissance civile telle que John Rawls la définit peut être directe ou indirecte. Rawls établit qu’une certaine forme de gouvernement par la majorité, bien évidemment assortie de toute une batterie de conditions relatives au respect de procédures, garantissant les droits de la minorité, etc. Résumé. cit. Il semble que Rawls et Habermas se limitent aux cas de désobéissance civile pour raisons de conscience afin de pouvoir exclure une variante de désobéissance civile qui, bien que problématique, constitue peut-être sa forme la plus empiriquement répandue – soit la désobéissance pratiquée par intérêt personnel, la … La désobéissance civile est un puissant moteur de construction du droit par les citoyens. Il n’est pas sûr qu’un lecteur américain, formé par l’histoire anglaise et américaine (surtout celle des dernières décennies) et habité par la culture anglo-saxonne que cette histoire a façonnée, comprenne cette définition exactement de la même manière qu’un citoyen français pétri de culture politique issue de l’histoire française et européenne. L’apport de Rawls à une com- préhension de la désobéissance civile concerne manifestement non d’abord sa définition, mais sa justification.C’est pourquoi, au risque de décevoir l’attente d’un lec- teur pressé d’en venir tout de suite au thème propre de la désobéissance civile, je me propose d’expliciter brièvement quelques-uns des présupposés et des attendus qui conditionnent une compréhension juste de la théorie rawlsienne de la désobéissance civile et qui en permet- tent surtout une solide justification. Voici cette définition : « La désobéissance civile peut être définie comme un acte public, non-violent, décidé en conscience, mais politique, contraire à la loi et accompli le plus souvent pour amener à un changement dans la loi ou bien dans la politique du gouvernement. C’est un refus, car nous recevons un ordre et, étant donné la nature de la situation, les autorités savent si nous obéissons ou non. La loi est enfreinte, mais la fidélité à la loi est exprimée par la nature publique et non-violente de l’acte (p. 407). Attention : être prêt à assumer les conséquences légalesde notre désobéissance ne signifiera pas que nous recon- naissons que la sanction éventuelle soit justifiée, c’est-à-dire méritée en raison d’actes injustes ; cela affirme seulement que c’est au nom d’une fidélité à la loi que nous sommes prêts à subir ces conséquences légales. C’est toujours cet objectif qui commande, non seulement l’approche, mais les étapes de l’analyse. Parce qu’en fait, il n’est pas facile de convaincre autrui de notre sincérité, pas facile même d’être certain devant nous-mêmes que nos actes émanent de notre conscience. 1. Selon Rawls, la désobéissance civile est un « acte public, non violent, décidé en conscience mais politique, contraire à la loi et accompli le plus souvent pour amener un changement dans la loi ou bien dans la politique du gouvernement » (Rawls, 1987 : 405). Pour notre propos, c’est le chapitre suivant de cette partie centrale consacré aux institutions qui nous intéresse directement.

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